Annexe E: Quelques éléments sur la qualité de la solution préliminaire de l'ITRF96

Cette annexe est rédigée dans le but de donner quelques éléments sur la qualité de la dernière solution de l'ITRF qui, à l'heure où le mémoire de thèse était présenté, n'était pas disponible. Cette solution a été préparée, puis calculée en août 1997, et des résultats préliminaires ont été présentés à l'Assemblée Scientifique de l'Association Internationale de Géodésie qui s'est tenue à Rio de Janeiro fin août 1997 [Boucher et al, 1997].

Des analyses de qualité des résultats de la solution préliminaire de l'ITRF ont été entreprises par les membres du LAREG impliqués dans l'activité systèmes terrestres de référence. En particulier, lors de la journée sur la détermination d'orbite précise, organisée à Toulouse le 17 novembre 1997, Sillard [1997-b] a exposé une analyse statistique assez détaillée de la nouvelle solution. La figure E.1 rappelle sous une forme synthétique le niveau de précision atteint pour les déterminations en hauteur des points dans le calcul de l'ITRF94. Cette précision est estimée à partir des erreurs formelles issues du calcul de combinaison des jeux de coordonnées fournis par les divers centres d'analyse associés à l'IERS. La figure E.2 fait de même pour la solution récente de l'ITRF.

Figure E.1 : Niveau de précision de l'estimation de la composante verticale des 399 points de l'ITRF94. Histogramme établi suivant les écart-types issus du calcul.

On constate sur ces histogrammes que le mode principal des écart-types en hauteur se situe autour de 0.6 cm pour la solution ITRF94, alors qu'il est de 0.3 cm pour la nouvelle solution. Le pourcentage de points dont la position verticale est déterminée à mieux que le centimètre en terme d'écart-type est comparable dans les deux cas, de l'ordre de 55%. Il convient toutefois de remarquer que nous sommes passés de 399 points répartis sur 201 sites dans l'ITRF94 (cf. figure 73) à 540 points répartis sur 290 sites dans la dernière solution. Dans le premier cas, seulement 2% des points ont une précision inférieure à 0.4 cm en terme d'écart-type sur la hauteur, contre 35% des points dans la solution préliminaire de l'ITRF96.

Figure E.2 : Niveau de précision de l'estimation de la composante verticale des 540 points de la solution préliminaire de l'ITRF96. Histogramme établi suivant les écart-types issus du calcul.

Les deux graphiques précédents traduisent une amélioration qui, de fait, est générale. Elle apparaît aussi bien dans l'estimation des autres composantes du positionnement que dans les indicateurs de qualité fondés sur l'étude des résidus [Sillard, 1997-b]. Nous encourageons le lecteur intéressé de se rapporter à cette présentation en attendant la publication prochaine des résultats de la solution définitive de l'ITRF96. Selon Sillard [1997-b], l'ITRF96 présente une amélioration significative en matière d'exactitude et de précision sur la détermination des coordonnées qui serait de l'ordre de 0.5 cm par rapport à l'ITRF94. Les progrès sensibles qui sont observés en trois ans dans la réalisation du système terrestre s'expliquent par:

* d'une part, la qualité des données fournies en entrée du processus de combinaison, à savoir les solutions individuelles fournies par les divers centres d'analyse associés à l'IERS et issues du traitement des mesures de géodésie spatiale;

* d'autre part, la mise en oeuvre de nouveaux modèles développés dans le processus de combinaison lui-même, à savoir, le modèle physique qui intègre de manière cohérente les coordonnées et les vitesses de stations terrestres (cf. E.VI.3) et le modèle stochastique qui désormais prend en compte les matrices de covariance complètes des jeux fournis. La calibration des variances de chaque jeu s'effectue en faisant correspondre ces variances à la distribution observée lors de l'ajustement: l'estimation des composantes de la variance s'effectue par une méthode dite de Helmert.

Sillard [1997-b] met en évidence la cohérence du champ de vitesse de l'ITRF96 en propageant la solution obtenue à la date 1993.0 vers une date 1999.8. Le résultat est très satisfaisant surtout lorsqu'on le compare à celui qui est obtenu avec l'ITRF94 et son champ de vitesse associé. Notre intérêt se portant sur l'estimation des vitesses verticales de points, nous avons regardé d'un peu plus près ce nouveau champ de vitesse. L'histogramme de la figure 79 qui avait été présenté dans le chapitre VI rappelle l'ordre de grandeur de la précision des vitesses verticales de l'ITRF94. Cette précision est estimée par l'écart-type associé, obtenu du calcul de combinaison des jeux de coordonnées. L'histogramme figure E.3 fait de même pour la nouvelle solution.

Figure 79 (rappel) : Niveau de précision de l'estimation de la vitesse verticale des points de la solution ITRF94. Histogramme établi suivant les écart-types issus du calcul.

On avait remarqué dans la figure 79 un mode principal situé autour de 1 à 2 mm/ an, avec 38% des vitesses verticales déterminées avec un écart-type inférieur à 2 mm/an. Aucune vitesse n'était cependant estimée à mieux que le millimètre par an. Aujourd'hui, on constate que 21% des sites de la nouvelle solution présentent une vitesse verticale estimée à mieux que le millimètre par an, et 10% à mieux que 0.5 mm/an (cf. figure E.4) !

Figure E.3 : Niveau de précision de l'estimation de la vitesse verticale des sites de la solution préliminaire de l'ITRF96. Histogramme établi suivant les écart-types issus du calcul.

Figure E.4 : Détail de la répartition des vitesses verticales de l'ITRF96 estimées avec une erreur formelle (écart-type) inférieur à 2-3 mm/an.

Par ailleurs, nous avions étudié la précision relative de l'estimation des vitesses ITRF94 à partir de l'analyse du coefficient de variation, défini comme le rapport de l'écart-type à la valeur absolue de la variable aléatoire considérée (cf. relation E.II.9). Nous avions vu que plus ce coefficient est faible et meilleure était la qualité de l'estimation. La figure 82 montrait que, dans le cas d'une variable aléatoire gaussienne, un coefficient de variation de 1/5 permet de déterminer de manière certaine le signe de la variable. Un coefficient de 1/2 permet de connaître le signe avec une probabilité encore importante d'environ 98%, en revanche pour un coefficient de 1, la probabilité se réduit à environ 83,5%.

Si l'on considère que la variable suit une loi de probabilité quelconque, nous avions vu qu'un coefficient de variation supérieur à 1/2 ne permet pas a priori de discriminer, avec un niveau de confiance statistique d'au moins 75% [Bougeard, 1990], si la grandeur vraie que l'on cherche à estimer est positive ou négative.

L'histogramme de la figure 83 indiquait que seulement 16% des vitesses verticales estimées dans l'ITRF94 sont associées à un coefficient de variation inférieur à 1/2, et 35% à un coefficient inférieur à l'unité. Dans la solution préliminaire de l'ITRF96, on constate dans l'histogramme de la figure E.5 que 37% des sites ont coefficient de variation inférieur à 1/2, et 59% un coefficient inférieur à l'unité. De plus, 22% des sites ont un coefficient inférieur à 1/5 alors que seulement 3% des points de la solution ITRF94 ne présentaient un tel résultat.

Figure 83 (rappel) : Histogramme du coefficient de variation calculé pour les vitesses verticales estimées dans l'ITRF94.

Figure E.5 : Histogramme du coefficient de variation calculé pour les vitesses verticales des sites de l'ITRF96.

La principale conclusion de cette annexe est que, de toute évidence, le développement considérable des recherches dans le domaine de la géodésie spatiale rend certaines conclusions provisoires et rapidement périmées. Alors qu'aucune vitesse n'était estimée à mieux que le millimètre par an dans l'ITRF94, 21% des sites présentent une vitesse verticale à mieux que cette précision dans la nouvelle solution, et 10% à mieux que 0.5 mm/an. Par ailleurs, dans au moins 35% des sites de l'ITRF96, nous sommes en mesure de dire si le point subit un mouvement d'affaissement ou de soulèvement avec un niveau de confiance statistique d'au moins 75%.

Nous avons vu les principales raisons qui expliquent les progrès observés dans la qualité des nouveaux résultats. Mais nous avons omis de citer explicitement un argument qui concerne l'estimation des vitesses, celle que nous invoquions justement pour expliquer le manque de résultats intéressants pour nous dans l'ITRF94 : " les mesures précises sont récentes, et par conséquent trop brèves pour fournir des résultats clairs et significatifs " (cf. chapitre VI). Trois ans séparent l'ITRF94 de l'ITRF96, et le cumul des observations permet déjà un gain considérable de précision dans l'estimation des vitesses verticales. Notons à cet égard que les histogrammes F7 et E3 suggèrent un transfert de la précision des points des classes 1-2 mm/an et 2-3 mm/an vers la gauche alors que les nouveaux sites apparaissent dans les classes mal déterminées à droite du graphique, notamment la classe de plus de 35 mm/an.

Il s'agit à présent de faire les efforts nécessaires pour généraliser ce niveau de précision de quelques dixièmes de millimètres par an, notamment vers les points qui intéressent les chercheurs concernés par l'étude de l'évolution du niveau de la mer à partir des marégraphes.

Je tiens enfin à remercier P. Sillard et Z. Altamimi de m'avoir fourni les éléments qui m'ont permis d'écrire cette annexe afin d'actualiser quelque peu les résultats de cette thèse.



  • Précédent: Annexe D
  • Suivant: Bibliographie
  • Sommaire

  • Guy Woppelmann
    Last modified: Thu Jan 22 16:59:47 WET 1998