II.1.2. Les données fournies par les marégraphes côtiers

Quelque soit son principe de mesure, un marégraphe est susceptible de fournir à tout instant une information locale de hauteur de la surface de la mer par rapport à une référence choisie de façon arbitraire (cf. figure 13). Cette référence est matérialisée par au moins un repère physique. La théorie et le bon sens prévoient un ensemble de trois repères implantés à proximité de l'instrument, mais suffisamment éloignés pour prévenir leur destruction simultanée. Le repère le plus proche est désigné par repère de marée ou repère principal. La référence du marégraphe est alors définie arbitrairement par une cote donnée sous chacun de ces repères. Nous verrons dans le chapitre III comment est réalisée en pratique cette définition.

Figure 13 : Schéma de la mesure élémentaire d'un marégraphe.


La donnée marégraphique peut être une hauteur de la surface marine "instantanée", ou encore, une hauteur moyenne sur une période donnée, typiquement une journée, un mois, ou une année. Notons que nous avons rarement une véritable hauteur de surface de la mer instantanée puisque le puits de tranquilisation agit comme un filtre passe-bas, atténuant plus ou moins efficacement les phénomènes de haute fréquence (cf. figure 14). Les marégraphes modernes, installés en dehors d'un puits, sont également capables de réaliser cette fonction de filtrage en calculant une moyenne arithmétique d'observations élémentaires sur une période très courte d'au plus quelques minutes.

Figure 14 : Exemples de formes de puits de tranquilisation avec leur caractéristique de filtrage.


Le calcul des niveaux moyens de la mer, journaliers, mensuels et annuels, peut s'effectuer de plusieurs façons:

Selon une étude de Pugh [1987], la comparaison des moyennes mensuelles obtenues, d'une part, à partir des données journalières issues d'un filtre complexe utilisant 168 valeurs horaires, et d'autre part, à partir des moyennes arithmétiques simples, donne un écart moyen quadratique de 2 mm. Cet écart provient en partie des erreurs introduites par les composantes diurnes et semi-diurnes de la marée qui ne sont pas complètement éliminées par une moyenne arithmétique. Mais, il ne justifie pas la mise en place de calculs élaborés, liés aux filtres, dans la plupart des applications.

En supposant que les erreurs des mesures marégraphiques soient aléatoires, la précision d'un niveau moyen de la mer, issu d'une moyenne arithmétique simple de mesurages effectués dans les mêmes conditions opératoires, pourra être estimée par:

Equation (E.II.2)

Soit, en prenant une précision plutôt pessimiste de 3 cm pour une mesure marégraphique horaire, la relation donne alors une précision de:

Au regard de la loi de grands nombres, qui stipule que la moyenne d'un nombre suffisant d'observations est sensiblement normale, l'hypothèse de normalité des mesures marégraphiques est d'autant plus acceptable que les mesures proviennent de moyennes d'observations élémentaires [Hottier, 1983].

Les premiers enregistrements de données marégraphiques se trouvent sur support papier, soit sous forme numérique, après lecture ou calcul, reportées par un opérateur dans des tableaux ou des cahiers spécifiques; soit sous forme analogique, directement inscrites par l'instrument dans des marégrammes. Depuis, les techniques d'enregistrement automatique ont suivi l'évolution des calculateurs et des ordinateurs pour fournir directement des données numériques compatibles avec ces derniers. Pour des raisons pratiques et historiques liées à l'étude de la marée, l'échantillonnage typique est horaire, une hauteur d'eau toutes les heures rondes. Cependant, les marégraphes modernes offrent la possibilité de régler cet échantillonnage selon les besoins de l'utilisateur.

La numérisation des marégrammes s'avère indispensable à plusieurs égards, d'abord pour convertir les données analogiques sous une forme utilisable par des moyens informatiques, ensuite pour préserver les nombreux enregistrements historiques dont le support papier se détériore au fil du temps. Un sondage effectué en 1995 à l'IGN indiquait que seuls 77% des marégrammes de Marseille seraient lisibles, 8% seraient égarés, et le reste présenterait, après une inspection attentive avec un oeil avisé, l'empreinte du style inscripteur. Suivant la recommandation du CNFGG (Comité National Français de Géodésie et de Géophysique), émise lors de son Assemblée Générale de 1996, et suite à un projet d'étude engagé avec le Ministère de l'Environnement (SONEL : Système d'Observation du Niveau des Eaux Littorales), l'IGN entreprend la numérisation des marégrammes de Marseille en collaboration avec le SHOM. Les enregistrements analogiques concernés par ce projet couvrent la période de 1885, année d'installation du marégraphe-totalisateur, à 1987, année de la fin de ce type d'enregistrements, soit environ 1200 rouleaux mensuels d'une dizaine de mètres chacun.



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  • Guy Woppelmann
    Last modified: Tue Dec 29 18:07:35 MET 1998