VII.2. Types de rattachement

La mise en oeuvre d'une stratégie d'observation et de calcul particulière, plutôt qu'une autre, dépend toutefois de l'application visée, de la dimension du réseau de points, des moyens disponibles pour la mener à bien, et des résultats attendus. Les questions stratégiques sont toujours d'actualité. Elles sont discutées en particulier dans le groupe de travail de la Commission Niveau Moyen de la Mer et Marées (CMSLT) de l'AISPO [Carter et al, 1989 et 1994]. Ce groupe réunit les acteurs intéressés par les résultats du processus de rattachement géodésique des marégraphes: océanographes, géodésiens et représentants des services internationaux de l'IERS et du PSMSL, et plus récemment du Service international du système GPS pour la géodynamique (IGS).

L'évolution des techniques spatiales influe bien entendu sur l'approche du problème. Les deux rapports successifs du groupe de travail de la CMSLT reflètent en particulier les progrès considérables réalisés en quelques années par le GPS. Carter et al [1989] distinguent les techniques de base, à savoir la télémétrie laser et le VLBI, plutôt lourdes, des techniques radioélectriques, en l'occurrence GPS, DORIS, PRARE, beaucoup plus portables. Les premières affichent une précision de quelques centimètres, qui légitime leur participation à l'établissement du système de référence mondial de l'IERS. Les deuxièmes donnent une précision relative de l'ordre de 10-6, autrement dit, sur une ligne de base de 100 km l'estimation de sa longueur est donné à un centimètre près. Elles permettent toutefois de conserver la qualité des points de l'ITRF en l'étendant à des points situés à quelques centaines de kilomètres.

En quelques années, cette précision a progressé de manière spectaculaire pour les techniques radioélectriques légères. D'une précision relative de 10-6 en 1988, elle est passée à 10-8 pour le GPS, en 1991, et se transforme en suivant en précision absolue centimétrique [Heflin et al, 1992]. Le GPS est ainsi adopté par l'IERS en 1991, suivi par DORIS en 1994. Le deuxième rapport du groupe de travail de la CMSLT considère ces performances, et envisage sérieusement le concept de stations permanentes équipées de marégraphe et de récepteur de géodésie spatiale [Carter ed., 1994]. De nouvelles questions se posent aussi. Comment va-t-on intégrer les réseaux régionaux dans l'ITRF ? Doit-on accepter les solutions régionales comme des solutions globales ? A-t-on les moyens techniques de le faire ? La volonté politique ? Comment profiter des nouveaux systèmes d'analyse qui prennent en compte les matrices de covariance complètes ? Quelle rôle peut jouer l'IGS [Neilan et al, 1995] ? Toutes ces questions et bien d'autres sont à l'étude par les groupes d'experts internationaux.

Différents types de rattachement peuvent être distingués suivant le type de résultat escompté, à savoir:

L'intérêt d'avoir des mesures répétées n'est pas de confirmer la qualité des résultats, ou de l'améliorer en espérant réduire les erreurs aléatoires. Il mais surout, parce que les grandeurs définies dans la relation générale (E.VII.2) sont a priori fonction du temps. des spectres de variation assez différents qui permettent de faire des hypothèses et des simplifications. La qualité du processus de rattachement dépend des erreurs systématiques propres à chaque " maillon " du processus, de la prise en compte correcte des déplacements et des dérives associés aux grandeurs considérées. A cet égard, nous allons voir dans le prochain chapitre quelles sont les sources d'erreur systématique.

VII.3. Autres applications

L'intérêt d'exprimer le niveau de la mer en absolu pourrait surprendre au premier abord le riverain qui ne s'intéresse qu'à la variation relative du niveau de la mer par rapport à la côte, et à la modification du trait de côte qui s'en suivra. Toutefois, s'il souhaite prévoir l'évolution future du niveau marin, et les changements environnementaux qui l'accompagnera sur la zone littorale, il a besoin de comprendre quels sont les processus qui sont à l'origine de ses mouvements locaux, et quelles sont leurs caractéristiques spatio-temporelles. Or, nous avons vu que ce travail ne peut s'effectuer avec les seuls enregistrements des marégraphes.

Outre cet apport à la connaissance des phénomènes géophysiques inclus dans le signal séculaire du marégraphe, d'autres applications sont intéressées par cette synergie entre les techniques de la géodésie spatiale et de la marégraphie. Nous mentionnerons les deux suivantes:

Figure 88 : Origine de quelques systèmes d'altitude en Europe, d'après un inventaire effectué dans les archives de l'IGN [Boucher & Wöppelmann, 1994]. Le sigle NM désigne un niveau moyen de la mer, NT désigne le niveau moyen de la marée. Entre parenthèses nous ndiquons la période sur laquelle est calculée la moyenne.

   PAYS / REGION                   ORIGINE DU SYSTEME D'ALTITUDE                   
       FRANCE         NM (1 Feb. 1885 - 1 Jan. 1897) à Marseille (Marégraphe)      
       CORSE          NM (1978) à Ajaccio (Marégraphe)                             
       ITALIE         NM (1937-1946) à Genova (Marégraphe)                         
     SARDAIGNE        NM (1955-1957) à Cagliari (Marégraphe)                       
      ESPAGNE         NM L(1870-1872) à Alicante (Marégraphe)                      
    YOUGOSLAVIE       NM (1875, 1875-1879, 1901-1904) à Trieste (Marégraphe)       
                      NM (1930-1941) à Bakar (Marégraphe)                          
      PORTUGAL        NM (1938) à Cascais (Marégraphe)                             
      POLOGNE         NM(1931-?) à Gdynia (Marégraphe) Kronstadt (Zéro du          
                      marégraphe)                                                  
  TCHECOSLOVAQUIE     Kronstadt (Zéro du marégraphe)                               
       GRECE          NM (?) à Kavalla (Marégraphe)                                
      DANEMARK        NM (1817-1832) à Kobenhavn (Marégraphe)                      
     ANGLETERRE       NM (1 Mai 1915 - 30 Avril 1921) à Newlyn (Marégraphe)        
      FINLANDE        Helsinki (zéro de l'échelle de marée du port)                
       SUEDE          NM (1900) à Stockholm (Marégraphe)                           
      BELGIQUE        NM (1878-1885) à Oostende (Marégraphe)                       
      IRLANDE         NM (?) à Malin Head (Marégraphe)                             
      TURQUIE         NM (?) à Antalya (Marégraphe)                                
      HOLLANDE        NT (1683-1684) à Amsterdam                                   
     ALLEMAGNE        NT (1683-1684) à Amsterdam                                   


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  • Guy Woppelmann
    Last modified: Thu Jan 22 16:00:48 WET 1998