DEUXIEME PARTIE

Etude des références verticales





" Il n'existe dans ce monde rien d'absolu, rien de fixe, en mal ou en bien ".
Eugène Sue [1804-1857]. (Latréaumont, 1837).


V. Les références verticales proches d'un marégraphe

Nous avons vu dans la première partie que, faute d'une référence altimétrique stable de façon " absolue ", toute tentative de détermination précise des variations eustatiques à partir des enregistrements marégraphiques est incertaine. En revanche, les fluctuations du niveau de la mer peuvent être étudiées de manière satisfaisante par rapport à une référence relative si leur amplitude est grande par rapport aux mouvements de la référence. C'est le cas, par exemple, de l'étude de la marée océanique en un lieu par les données traditionnelles de marégraphie.

L'objet de ce chapitre est d'examiner successivement les références verticales qui sont accessibles à proximité d'un marégraphe. Pour chacune, nous essayons de dégager les caractéristiques et l'intérêt, notamment dans l'optique du problème qui nous préoccupe. Les relations qui les lient sont brièvement présentées ensuite. Avant d'aborder le panorama prévu, il convient toutefois de rappeler quelques concepts généraux sur les systèmes de référence. A cet égard, rappelons que la géodésie a justement pour vocation l'établissement de tels systèmes, ou référentiels, qui servent de fondement à la description de la forme de la Terre et à la mesure de ses dimensions. Ces référentiels portent les attributs tacites de terrestre et géodésique.

La géodésie s'attache donc en particulier à définir l'ensemble des éléments qui constituent le système de référence le plus adapté à situer certains objets d'intérêt. Parmi les éléments de base d'un référentiel géodésique, nous trouvons déjà ceux qui définissent un repère affine cartésien orthogonal, à savoir, les caractéristiques de la base vectorielle: origine, orientation et norme. On considère en général que l'espace est isotrope; les vecteurs sont donc de même longueur, proche de l'unité du Système International. En outre, les géodésiens élaborent des modèles mathématiques de Terre, plus ou moins complexes, de nature géométrique ou physique, qui servent à décrire la forme de l'environnement dans lequel nous vivons, le champ de pesanteur terrestre et les paramètres de rotation de notre planète.

La diversité des systèmes de référence provient des besoins variés des utilisateurs et de l'évolution des connaissances dans le domaine de la géodésie et des disciplines associées des sciences de la terre. On distingue trois classes de références géodésiques: horizontales, verticales, et globales ou tridimensionnelles. La distinction a une origine historique, liée à l'évolution des techniques de mesure. Le lecteur intéressé par ces aspects historiques pourra se référer avec bonheur à l'ouvrage de J.J. Levallois [1988] : " Mesurer la Terre. 300 ans de géodésie française ". Face aux définitions idéales, de nombreuses réalisations pratiques, plus ou moins exactes, sont possibles. Deux catégories de réalisations peuvent au moins être envisagées:

Notre intérêt se portant sur la composante verticale, nous ne développerons pas les aspects propres aux références horizontales dans cet exposé. La notion de verticale est intimement liée à la pesanteur terrestre. En effet, la verticale en un lieu suit la direction du fil à plomb, autrement dit, la direction de la ligne de force du champ de pesanteur. Un plan horizontal se définit alors perpendiculairement à la verticale. Aussi, la hauteur est une grandeur ayant la dimension d'une longueur suivant la direction de la verticale. Elle suppose l'adoption d'un plan de comparaison horizontal pour la détermination de ses valeurs.

Le Petit Robert [1991] distingue une hauteur relative d'une hauteur absolue suivant le plan de comparaison qui est choisi. A titre d'illustration, ce dictionnaire donne l'exemple de la hauteur relative d'une montagne par rapport au sol où elle s'élève, et de sa hauteur absolue par rapport au niveau moyen de la mer. Le géodésien préfère toutefois parler d'altitude lorsque le plan horizontal de comparaison est lié au niveau moyen de la mer, mais ce terme d'altitude renferme d'autres notions physiques que nous aborderons plus loin. L'intérêt de reprendre cette définition est de souligner l'idée subjective, et donc quelque peu relative, de l'emploi du terme absolu. D'où, la nécessité de spécifier le caractère absolu du système de référence vertical qui convient à chaque problème.

Les éléments que l'on souhaite a priori voir allouer du caractère " absolu " sont la stabilité du système et son étendue. On recherche en effet un référentiel universel, de façon à permettre l'accès à celui-ci en tout point du globe, et une stabilité totale, de sorte que tout mouvement géophysique d'un point du système géodésique puisse être déterminé sans ambiguïté. A cet égard, le niveau moyen de la mer est une grandeur qui peut difficilement être considérée comme stable. Nous avons vu dans la première partie du mémoire sa grande variabilité dans l'espace et dans le temps, même à l'échelle séculaire. Par ailleurs, ceux sont justement les changements à long terme du niveau de la mer que nous essayons d'estimer.

Le caractère absolu est un concept idéal, inaccessible a priori. En pratique, on se définit un degré d'imperfection du caractère absolu au dessous duquel le système est considéré comme tel (absolu). La définition s'effectue en relation avec l'application visée. Dans notre cas, un niveau d'instabilité acceptable du référentiel serait d'au plus 10% de l'amplitude des signaux à long terme que l'on cherche à déterminer. Au cours de l'étude, nous essaierons de voir si cette contrainte est effectivement réalisable.

V.1. La référence du marégraphe

La première partie du mémoire nous ayant fortement familiarisée avec cette référence, nous ne nous attarderons pas plus longuement dessus. Rappelons simplement qu'un marégraphe présente typiquement deux références verticales.

Le lien entre le zéro des indications du marégraphe et le repère de marée s'établit dans le cadre d'une opération d'étalonnage. En somme, la référence du marégraphe est d'étendue locale, à caractère géométrique, et relative à l'écorce terrestre sur laquelle repose l'observatoire.



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  • Guy Woppelmann
    Last modified: Tue Dec 22 12:58:43 MET 1998